Vous êtes-vous déjà trouvé là, métaphoriquement debout au milieu de votre vie, à regarder tout autour et vous demander où vous vous en allez? À quoi se résume la somme de vos priorités, de vos choix, où mène le chemin que vous avez créé par la force de vos décisions successives, comme l’eau courante qui creuse une rivière?
Plus la rivière est profonde, plus le courant est fort. Et plus difficile d’en sortir. Vous est-il déjà arrivé de vous croire destiné à de plus grandes choses? Puis de réaliser qu’à votre âge et compte tenu de vos habiletés, vous étiez sans doute arrivé au paroxysme de votre grandeur? Avez-vous trouvé votre appel, votre vocation? Je me pose souvent la question.
J’ai eu le loisir de me pencher sur le but de ma vie récemment alors qu’une amie proche et son mari sont allés au Viêt-Nam pour y adopter deux jumelles. Dans un acte de confiance aveugle en la vie, ils sont allés chercher ces deux petites filles qui avaient un besoin criant de soins médicaux, d’amour et d’une famille où s’enraciner. Cette famille hors du commun en est à sa deuxième adoption d’enfants présumés « à besoin spéciaux » que d’autres familles ont refusés, leur troisième adoption. Au cours du voyage, mon amie a écrit deux choses – sur son blogue ou Facebook – qui m’ont marquées. Le jour du départ (citation approximative, traduite de l’anglais) : « Je suis mon chemin, celui que la vie a mis devant moi. » Puis après avoir reçu ses filles : « Maintenant je sais pourquoi nous nageons à contre-courant depuis si longtemps. Tout nous préparait à accueillir et aimer ces trésors de la vie. »
Lorsqu’un proche pose un acte d’une telle grandeur, il est inévitable de se mettre en perspective. On voit nos peurs, nos doutes et nos limites avec une grande clarté. On se demande ce qui nous différencie de ceux qui agissent avec grandeur d’âme, générosité et courage. Car s’il est facile de se rassurer en se faisant croire qu’il s’agit d’êtres surhumains lorsqu’on les voit en reportage dans les média, c’est impossible lorsqu’il s’agit d’amis que l’on sait normaux, avec leurs doutes, leurs peurs et leurs limites.
Je me suis demandé quelle était la différence essentielle entre ceux qui accueillent la différence à bras ouverts et ceux qui la rejette. De nos jours, la science du dépistage prénatal nous permet de croire que nous pouvons choisir les défis que nous décidons de relever.
Car il s’agit de quelque chose de plus profond que le désir ou le désaveu de la différence. Les handicaps ou les besoins spéciaux ne sont pas qu’une différence pour les familles affectées : c’est l’engagement d’une vie et le renoncement à un parcours ordinaire. Et même si le bonheur se trouve au détour d’un parcours hors de l’ordinaire, nous semblons plus aptes à faire notre deuil du bonheur que de l’ordinaire. L’humain dépense plus d’énergie à éviter la douleur qu’à rechercher le plaisir, c’est un fait.

Alors qu’est-ce qui fait la différence entre ceux qui acceptent le défi, embrassent la croissance qui vient du dépassement de soi et ceux qui ont souvent tout à offrir mais le gardent pour eux? Je laisse la réflexion à des cerveaux mieux aguerris. Mais pour ma part, je sais dans quel camp j’aimerais me trouver si un jour la vie me fait appel. Et si j’ai appris une leçon de l’expérience de mon amie, c’est que nos décisions de tous les jours nous préparent à l’appel de la vie et lui offre un terrain fertile ou une terre brûlée.
Je veux être prête.