Réflexion sur l’école à la maison


J’ai eu une discussion avec ma très chère mère cette semaine au sujet de l’école à la maison. Puisque l’écriture me permet de procéder l’information et d’organiser mes pensées, j’ai décidé de m’assoir et de jeter sur papier quelques idées qui m’ont été inspirées par cette discussion. J’espère que ma très chère mère ne m’en tiendra pas rancœur. Je dois préciser avant de commencer que les critiques de l’école à la maison dont je fais part dans cette publication ne viennent pas toutes de ma très chère mère. La plupart des critiques et inquiétudes face à l’éducation à domicile s’emboîtent. Il est donc difficile de commencer à un bout sans se rendre à l’autre. En d’autres mots, n’allez pas vous « pogner » avec ma mère si vous n’êtes pas d’accord, compris?

Ma discussion avec ma mère touchait à l’aspect social de l’éducation à domicile mais dans le sens large du terme. Généralement, les gens qui sont intrigués par l’éducation à domicile se demandent si les enfants vont voir assez de monde, se faire des amis, apprendre à fonctionner en société. C’est une inquiétude un peu superficielle qui trahi une absence d’imagination. Les sorties que les enfants éduqués à domicile font au jour-le-jour les préparent beaucoup mieux à la vie en société que l’environnement contrôlé de l’école. Les enfants font l’épicerie, vont à la banque, rencontrent des amis, aident aux tâches domestiques et font des activités d’enrichissement. Leur vie quotidienne est une réflexion beaucoup plus fidèle de la vie qu’ils mèneront plus tard. La question de la socialisation ne devrait pas être « Est-ce que les enfants éduqués à domicile sont suffisamment socialisés? » mais plutôt « Est-ce que l’école fourni une forme de socialisation exclusive, nécessaire à la maturation et à l’individualisation des enfants et adolescents? » En d’autres mots, hors de l’école point de croissance? Ou plutôt, est-ce que la croissance qui s’effectue en l’absence de scolarité formelle pousse croche, dysfonctionnelle, ou limitée? Voici ce sur quoi portaient les inquiétudes de ma très chère mère.

Sortie éducative
Sortie éducative

Les inquiétudes de ma mère portaient également sur notre déménagement prochain à la campagne, c’est-à-dire à environ 50 minutes d’auto du centre-ville d’Ottawa et 1h de la banlieue est d’Ottawa ou nous habitons présentement et où nos enfants sont enracinés depuis la naissance. Ma mère s’inquiète particulièrement pour mes jeunes adolescentes qui devront se faire de nouveaux amis. Le déménagement à la campagne, doublé par l’école à la maison, isolerait mes enfants, les rendant complètement dépendants de nous (les parents qui ont un permis de conduire) pour sortir de la maison. L’école à la maison nous rend les arbitres de l’éducation et la campagne nous rend les arbitres de la socialisation, limitant ainsi nos enfants à nos idées, nos priorités et les gens que nous voulons qu’ils voient et rencontrent. Ma mère croit que notre décision est née d’un désir de contrôle malsain qui aura pour effet de restreindre l’individualisation de nos enfants ainsi que leur ouverture sur le monde.

Ma très chère sœur, qui est plus discrète que sa mère quand il en vient à critiquer mes choix de vie, me regarde comme si j’avais deux têtes et s’inquiète de mon habileté à enseigner les matières que je ne maîtrise pas moi-même. De plus, elle se questionne sur les styles d’apprentissage et les styles d’enseignement : si le style d’enseignement du parent ne correspond pas au style d’apprentissage de l’élève, l’élève n’a pas la chance de changer de professeur à la fin de l’année. IMG_2188

Ce n’est pas très prometteur, n’est-ce pas? J’ai parfois envie de leur répondre : « Tant que les filles apprennent à repriser les chaussettes et faire la cuisine, elles n’ont pas besoin d’apprendre autre chose pour exceller dans leur vocation d’épouse. » Mais j’ai peur qu’elles me prennent au sérieux.

Je prends ces inquiétudes au sérieux mais je crois qu’elles sont basées sur une vision un peu nostalgique de l’école combinée à un manque de recherche sur l’éducation à domicile. L’environnement scolaire dans lequel grandissent mes enfants est incroyablement homogène. Il y a l’homogénéité socioéconomique d’une école de quartier située dans une banlieue aisée d’une ville considérée à l’épreuve de la crise économique. Mais aussi l’homogénéité politique et idéologique. Il est faux et mal informé de croire que les parents qui gardent leurs enfants à la maison prennent une décision idéologique contrairement aux parents qui décident d’envoyer leurs enfants à l’école. L’éducation est toujours un choix politique, ce n’est jamais un choix neutre. Rien n’est laissé au hasard dans les curriculums rédigés par les bureaucrates des divers ministères de l’éducation. La décision d’envoyer un enfant à l’école publique, privée ou à la maison est une décision qui porte sur ce que nous voulons que notre enfant apprenne, comment, et par qui. Le système scolaire est imbibé d’idéologie. Le testing provincial, l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation, la formule de financement qui favorise le rendement académique sont des décisions idéologiques. La maternelle à temps plein en Ontario est une décision idéologique. Le cours obligatoire d’éthique et religion, la garderie à 5$ au Québec, sont des décisions idéologiques. De nombreux proverbes et dictons comparent l’éducation à l’agriculture et la croissance d’un enfant à la maturation d’un fruit ou d’une semence. L’État à une idée du fruit qu’il veut cultiver et jardine en conséquence. La Corée du Nord et l’Arabie Saoudite et la Chine interdisent l’éducation à domicile, à l’instar de l’Allemagne Nazie. Les dictatures comprennent bien le lien entre l’éducation que reçoivent les enfants et le produit final. Vous pouvez faire confiance à un tyran pour démontrer l’importance d’imposer l’ordre du jour tôt et de le répéter souvent. Au Canada, toutes les provinces reconnaissent l’éducation à domicile comme un choix éducatif valide. Permettre ou interdire l’éducation à domicile est un choix politique. L’éducation est toujours politique, que vous le vouliez ou non.

Un beau sourirre
Un beau sourire

Les décisions politiques relatives à l’éducation ont des ramifications jusque dans l’enseignement lui-même. Ma sœur, qui s’inquiétait des styles d’apprentissage et d’enseignement, ne réalise pas que les budgets et les curriculums scolaires sont tellement ficelés serrés que même les professeurs qui voudraient enseigner en fonction de la variété de styles d’apprentissage qu’ils retrouvent dans leur salle de classe en sont rarement capables. En 14 ans de scolarité avec 6 enfants à l’école, je n’ai jamais, jamais, eu de discussions avec un professeur sur le style d’apprentissage de mes enfants. Moi-même, produit du système scolaire, me suis crue d’intelligence limitée jusqu’à ce que je commence à lire sur les styles d’apprentissage dans le cadre de ma préparation à l’enseignement à domicile. J’ai un enfant qui a donné du fil à retordre à ses professeurs et qui a fini par couler en math et en sciences malgré une intelligence vive. Nous en avons entendu de toutes les couleurs : il veut de l’attention, il manque de discipline, il est paresseux, il est baveux, il se pense meilleur que tout le monde. Il a croisé une vingtaine d’enseignants au cours de son passage à l’école, d’excellents et de moins bons. Ai-je une seule fois entendu parler de son style d’apprentissage? Non. La première personne qui a mentionné son style d’apprentissage était la tutrice de mathématique que nous avons engagée pour l’aider à passer son cours d’algèbre. Et une tutrice, je peux encore en engager une, même de la maison. Je connais mieux le style d’apprentissage de mon enfant que les professeurs qui n’ont vu qu’un adolescent baveux qui se pensait au-dessus de tout le monde.

Sortie éducative. Deux fois le même mois!
Sortie éducative. Deux fois le même mois!

Tout comme le gouvernement, j’ai pris une décision de principe sur l’éducation que je voulais que mes enfants reçoivent. J’ai pris la décision de mettre la famille au centre de la scolarisation de mes enfants plutôt que sur la bande. J’ai décidé de socialiser mes enfants à partir de leur famille plutôt que de l’environnement scolaire. J’ai décidé que l’homogénéité sociale poursuivie par le système scolaire ne servait pas mes enfants aussi bien que l’éducation variée et ouverte que je pouvais leur fournir à la maison. Il suffit que je regarde autour de moi, que je lise les nouvelles, pour voir que la société est malade. Intimidation de l’élémentaire au milieu du travail, consumérisme débridé, individualisme sans bornes, nombrilisme maladif, tous des maux sociaux enracinés profondément autour de nous et qui apparaissent très tôt à l’école. Ce n’est pas l’école qui créé ces cancers sociaux, mais l’organisation de la journée et de la salle de classe laisse les enfants se superviser entre eux sous l’ombrelle souvent distraite d’un professeur compétent mais complètement débordé. La maturation et l’individualisation des enfants est menée par un groupe de pairs tout aussi immatures plutôt que par un adulte compétent. À la maison, même avec 9 enfants, mon ratio adulte : enfant est plus avantageux que celui d’une salle de classe primaire. Alors quand on me demande « Et la socialisation dans tout ça? » je réponds que je désire moins de socialisation par les pairs et plus de socialisation par les parents, la famille, les vrais amis et les adultes proches. C’est vrai que mes enfants ne voient pas 150 autres enfants par jour. Mais la qualité de leur socialisation est infiniment meilleure. Qualité versus quantité. C’est mon projet.

Cette semaine, Opéra Lyra à Ottawa a donné deux représentations de la Flûte Enchantée pour les enfants et adolescents éduqués à domicile. Le mouvement d’école à la maison grandi et prend de l’ampleur à chaque année. Alors que j’attendais en ligne pour entrer dans l’auditorium, je regardais autour de moi, pensant à cette publication. Les parents étaient de toutes les couleurs et de tous les milieux. J’y reconnaissais des parents de tout credo, jeunes et moins jeunes. Les enfants se réjouissaient de revoir de vieux amis, il régnait une atmosphère pétillante et joyeuse. Certains enfants et adolescents étaient venus déguisés en personnages de la flûte enchantée, certains avaient fait leur costume eux-mêmes. Plusieurs familles avaient profité de l’occasion pour piqueniquer aux abords de la rivière qui bordait la salle de spectacle. C’est alors que j’ai réalisé à quel point la communauté de l’école à la maison était variée et accueillante. Parmi les parents, enfants et amis autour de moi, le seul point commun était l’école à la maison. L’école de quartier rassemble les gens d’une même aire géographique. L’école privée rassemble les gens d’une même aire socioéconomique. Les raisons de faire l’école à la maison sont aussi variées que les familles elles-mêmes.

J’ai pris une décision contre-culturelle lorsque j’ai décidé d’avoir une famille nombreuse et de renoncer à ma carrière juridique. Notre décision de faire l’école à la maison est une extension naturelle de cette décision. Nous ne sommes pas soudainement devenus normaux parce que nos enfants sont d’âge scolaire.

IMG_2630

6 thoughts on “Réflexion sur l’école à la maison

    1. Ah! Merci!! J’ai découvert ton blogue cet été et j’y réfère sans arrêt. J’ai partagé la liste de “living books” avec de nombreux amis et nous avons complété le fichier sur la dans et bientôt celui sur l’automne. Une véritable mine d’or!

  1. Super le blog! Nous avons plusieurs choses en commun. Nous avons quitté Montréal et deux emplois très payants pour venir nous installer en Gaspésie et élever des moutons. Je fais aussi l’école à la maison (un mélange de curriculums et de nos choix personnels) à nos jumelles de 14 ans et notre fils de 8 ans pour plusieurs raisons, mais surtout pour apporter à nos jeunes notre vision des choses importantes dans la vie, non pas celle de la société d’aujourd’hui. C’est toujours chouette de voir d’autres familles faire ce choix. Je suis très heureuse d’être tombée sur ton site:)

    1. Merci pour la visite! Ça réchauffe toujours le cœur de trouver des esprits qui se ressemblent! Est-ce que je peux te demander ce que tu utilises pour les mathématiques de tes filles? Merci et à la prochaine!

  2. Nous avons débuté l’année avec Panoramath et nous sommes maintenant avec Khan Academy (en ligne), mais les filles n’aiment pas. Donc, nous retournerons à Panoramath et ferons du tableau pour le reste de l’année avec des exercices que je trouve ici et là. En passant, Panoramath a des capsules web très aidantes! Nous sommes à notre 4ème année d’école à la maison et nous nous ajustons toujours 🙂

    1. Ah super! Nous avons commencé avec Math-U-See (en anglais) mais les enfants n’aiment pas du tout. Alors nous faisons Khan Academy en attendant de trouver mieux (les enfants n’aiment pas vraiment Khan Academy non plus).

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J’ai eu une discussion avec ma très chère mère cette semaine au sujet de l’école à la maison. Puisque l’écriture me permet de procéder l’information et d’organiser mes pensées, j’ai décidé de m’assoir et de jeter sur papier quelques idées qui m’ont été inspirées par cette discussion. J’espère que ma très chère mère ne m’en tiendra pas rancœur. Je dois préciser avant de commencer que les critiques de l’école à la maison dont je fais part dans cette publication ne viennent pas toutes de ma très chère mère. La plupart des critiques et inquiétudes face à l’éducation à domicile s’emboîtent. Il est donc difficile de commencer à un bout sans se rendre à l’autre. En d’autres mots, n’allez pas vous « pogner » avec ma mère si vous n’êtes pas d’accord, compris?

Ma discussion avec ma mère touchait à l’aspect social de l’éducation à domicile mais dans le sens large du terme. Généralement, les gens qui sont intrigués par l’éducation à domicile se demandent si les enfants vont voir assez de monde, se faire des amis, apprendre à fonctionner en société. C’est une inquiétude un peu superficielle qui trahi une absence d’imagination. Les sorties que les enfants éduqués à domicile font au jour-le-jour les préparent beaucoup mieux à la vie en société que l’environnement contrôlé de l’école. Les enfants font l’épicerie, vont à la banque, rencontrent des amis, aident aux tâches domestiques et font des activités d’enrichissement. Leur vie quotidienne est une réflexion beaucoup plus fidèle de la vie qu’ils mèneront plus tard. La question de la socialisation ne devrait pas être « Est-ce que les enfants éduqués à domicile sont suffisamment socialisés? » mais plutôt « Est-ce que l’école fourni une forme de socialisation exclusive, nécessaire à la maturation et à l’individualisation des enfants et adolescents? » En d’autres mots, hors de l’école point de croissance? Ou plutôt, est-ce que la croissance qui s’effectue en l’absence de scolarité formelle pousse croche, dysfonctionnelle, ou limitée? Voici ce sur quoi portaient les inquiétudes de ma très chère mère.

Sortie éducative
Sortie éducative

Les inquiétudes de ma mère portaient également sur notre déménagement prochain à la campagne, c’est-à-dire à environ 50 minutes d’auto du centre-ville d’Ottawa et 1h de la banlieue est d’Ottawa ou nous habitons présentement et où nos enfants sont enracinés depuis la naissance. Ma mère s’inquiète particulièrement pour mes jeunes adolescentes qui devront se faire de nouveaux amis. Le déménagement à la campagne, doublé par l’école à la maison, isolerait mes enfants, les rendant complètement dépendants de nous (les parents qui ont un permis de conduire) pour sortir de la maison. L’école à la maison nous rend les arbitres de l’éducation et la campagne nous rend les arbitres de la socialisation, limitant ainsi nos enfants à nos idées, nos priorités et les gens que nous voulons qu’ils voient et rencontrent. Ma mère croit que notre décision est née d’un désir de contrôle malsain qui aura pour effet de restreindre l’individualisation de nos enfants ainsi que leur ouverture sur le monde.

Ma très chère sœur, qui est plus discrète que sa mère quand il en vient à critiquer mes choix de vie, me regarde comme si j’avais deux têtes et s’inquiète de mon habileté à enseigner les matières que je ne maîtrise pas moi-même. De plus, elle se questionne sur les styles d’apprentissage et les styles d’enseignement : si le style d’enseignement du parent ne correspond pas au style d’apprentissage de l’élève, l’élève n’a pas la chance de changer de professeur à la fin de l’année. IMG_2188

Ce n’est pas très prometteur, n’est-ce pas? J’ai parfois envie de leur répondre : « Tant que les filles apprennent à repriser les chaussettes et faire la cuisine, elles n’ont pas besoin d’apprendre autre chose pour exceller dans leur vocation d’épouse. » Mais j’ai peur qu’elles me prennent au sérieux.

Je prends ces inquiétudes au sérieux mais je crois qu’elles sont basées sur une vision un peu nostalgique de l’école combinée à un manque de recherche sur l’éducation à domicile. L’environnement scolaire dans lequel grandissent mes enfants est incroyablement homogène. Il y a l’homogénéité socioéconomique d’une école de quartier située dans une banlieue aisée d’une ville considérée à l’épreuve de la crise économique. Mais aussi l’homogénéité politique et idéologique. Il est faux et mal informé de croire que les parents qui gardent leurs enfants à la maison prennent une décision idéologique contrairement aux parents qui décident d’envoyer leurs enfants à l’école. L’éducation est toujours un choix politique, ce n’est jamais un choix neutre. Rien n’est laissé au hasard dans les curriculums rédigés par les bureaucrates des divers ministères de l’éducation. La décision d’envoyer un enfant à l’école publique, privée ou à la maison est une décision qui porte sur ce que nous voulons que notre enfant apprenne, comment, et par qui. Le système scolaire est imbibé d’idéologie. Le testing provincial, l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation, la formule de financement qui favorise le rendement académique sont des décisions idéologiques. La maternelle à temps plein en Ontario est une décision idéologique. Le cours obligatoire d’éthique et religion, la garderie à 5$ au Québec, sont des décisions idéologiques. De nombreux proverbes et dictons comparent l’éducation à l’agriculture et la croissance d’un enfant à la maturation d’un fruit ou d’une semence. L’État à une idée du fruit qu’il veut cultiver et jardine en conséquence. La Corée du Nord et l’Arabie Saoudite et la Chine interdisent l’éducation à domicile, à l’instar de l’Allemagne Nazie. Les dictatures comprennent bien le lien entre l’éducation que reçoivent les enfants et le produit final. Vous pouvez faire confiance à un tyran pour démontrer l’importance d’imposer l’ordre du jour tôt et de le répéter souvent. Au Canada, toutes les provinces reconnaissent l’éducation à domicile comme un choix éducatif valide. Permettre ou interdire l’éducation à domicile est un choix politique. L’éducation est toujours politique, que vous le vouliez ou non.

Un beau sourirre
Un beau sourire

Les décisions politiques relatives à l’éducation ont des ramifications jusque dans l’enseignement lui-même. Ma sœur, qui s’inquiétait des styles d’apprentissage et d’enseignement, ne réalise pas que les budgets et les curriculums scolaires sont tellement ficelés serrés que même les professeurs qui voudraient enseigner en fonction de la variété de styles d’apprentissage qu’ils retrouvent dans leur salle de classe en sont rarement capables. En 14 ans de scolarité avec 6 enfants à l’école, je n’ai jamais, jamais, eu de discussions avec un professeur sur le style d’apprentissage de mes enfants. Moi-même, produit du système scolaire, me suis crue d’intelligence limitée jusqu’à ce que je commence à lire sur les styles d’apprentissage dans le cadre de ma préparation à l’enseignement à domicile. J’ai un enfant qui a donné du fil à retordre à ses professeurs et qui a fini par couler en math et en sciences malgré une intelligence vive. Nous en avons entendu de toutes les couleurs : il veut de l’attention, il manque de discipline, il est paresseux, il est baveux, il se pense meilleur que tout le monde. Il a croisé une vingtaine d’enseignants au cours de son passage à l’école, d’excellents et de moins bons. Ai-je une seule fois entendu parler de son style d’apprentissage? Non. La première personne qui a mentionné son style d’apprentissage était la tutrice de mathématique que nous avons engagée pour l’aider à passer son cours d’algèbre. Et une tutrice, je peux encore en engager une, même de la maison. Je connais mieux le style d’apprentissage de mon enfant que les professeurs qui n’ont vu qu’un adolescent baveux qui se pensait au-dessus de tout le monde.

Sortie éducative. Deux fois le même mois!
Sortie éducative. Deux fois le même mois!

Tout comme le gouvernement, j’ai pris une décision de principe sur l’éducation que je voulais que mes enfants reçoivent. J’ai pris la décision de mettre la famille au centre de la scolarisation de mes enfants plutôt que sur la bande. J’ai décidé de socialiser mes enfants à partir de leur famille plutôt que de l’environnement scolaire. J’ai décidé que l’homogénéité sociale poursuivie par le système scolaire ne servait pas mes enfants aussi bien que l’éducation variée et ouverte que je pouvais leur fournir à la maison. Il suffit que je regarde autour de moi, que je lise les nouvelles, pour voir que la société est malade. Intimidation de l’élémentaire au milieu du travail, consumérisme débridé, individualisme sans bornes, nombrilisme maladif, tous des maux sociaux enracinés profondément autour de nous et qui apparaissent très tôt à l’école. Ce n’est pas l’école qui créé ces cancers sociaux, mais l’organisation de la journée et de la salle de classe laisse les enfants se superviser entre eux sous l’ombrelle souvent distraite d’un professeur compétent mais complètement débordé. La maturation et l’individualisation des enfants est menée par un groupe de pairs tout aussi immatures plutôt que par un adulte compétent. À la maison, même avec 9 enfants, mon ratio adulte : enfant est plus avantageux que celui d’une salle de classe primaire. Alors quand on me demande « Et la socialisation dans tout ça? » je réponds que je désire moins de socialisation par les pairs et plus de socialisation par les parents, la famille, les vrais amis et les adultes proches. C’est vrai que mes enfants ne voient pas 150 autres enfants par jour. Mais la qualité de leur socialisation est infiniment meilleure. Qualité versus quantité. C’est mon projet.

Cette semaine, Opéra Lyra à Ottawa a donné deux représentations de la Flûte Enchantée pour les enfants et adolescents éduqués à domicile. Le mouvement d’école à la maison grandi et prend de l’ampleur à chaque année. Alors que j’attendais en ligne pour entrer dans l’auditorium, je regardais autour de moi, pensant à cette publication. Les parents étaient de toutes les couleurs et de tous les milieux. J’y reconnaissais des parents de tout credo, jeunes et moins jeunes. Les enfants se réjouissaient de revoir de vieux amis, il régnait une atmosphère pétillante et joyeuse. Certains enfants et adolescents étaient venus déguisés en personnages de la flûte enchantée, certains avaient fait leur costume eux-mêmes. Plusieurs familles avaient profité de l’occasion pour piqueniquer aux abords de la rivière qui bordait la salle de spectacle. C’est alors que j’ai réalisé à quel point la communauté de l’école à la maison était variée et accueillante. Parmi les parents, enfants et amis autour de moi, le seul point commun était l’école à la maison. L’école de quartier rassemble les gens d’une même aire géographique. L’école privée rassemble les gens d’une même aire socioéconomique. Les raisons de faire l’école à la maison sont aussi variées que les familles elles-mêmes.

J’ai pris une décision contre-culturelle lorsque j’ai décidé d’avoir une famille nombreuse et de renoncer à ma carrière juridique. Notre décision de faire l’école à la maison est une extension naturelle de cette décision. Nous ne sommes pas soudainement devenus normaux parce que nos enfants sont d’âge scolaire.

IMG_2630

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    1. Ah! Merci!! J’ai découvert ton blogue cet été et j’y réfère sans arrêt. J’ai partagé la liste de “living books” avec de nombreux amis et nous avons complété le fichier sur la dans et bientôt celui sur l’automne. Une véritable mine d’or!

  1. Super le blog! Nous avons plusieurs choses en commun. Nous avons quitté Montréal et deux emplois très payants pour venir nous installer en Gaspésie et élever des moutons. Je fais aussi l’école à la maison (un mélange de curriculums et de nos choix personnels) à nos jumelles de 14 ans et notre fils de 8 ans pour plusieurs raisons, mais surtout pour apporter à nos jeunes notre vision des choses importantes dans la vie, non pas celle de la société d’aujourd’hui. C’est toujours chouette de voir d’autres familles faire ce choix. Je suis très heureuse d’être tombée sur ton site:)

    1. Merci pour la visite! Ça réchauffe toujours le cœur de trouver des esprits qui se ressemblent! Est-ce que je peux te demander ce que tu utilises pour les mathématiques de tes filles? Merci et à la prochaine!

  2. Nous avons débuté l’année avec Panoramath et nous sommes maintenant avec Khan Academy (en ligne), mais les filles n’aiment pas. Donc, nous retournerons à Panoramath et ferons du tableau pour le reste de l’année avec des exercices que je trouve ici et là. En passant, Panoramath a des capsules web très aidantes! Nous sommes à notre 4ème année d’école à la maison et nous nous ajustons toujours 🙂

    1. Ah super! Nous avons commencé avec Math-U-See (en anglais) mais les enfants n’aiment pas du tout. Alors nous faisons Khan Academy en attendant de trouver mieux (les enfants n’aiment pas vraiment Khan Academy non plus).

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