Et ses variantes telles que: “Vous avez les mains pleines!” et la version anglaise: “You must be busy!”
Mettons les choses au clair: j’ai les mains pleines depuis 10 ans. Pour ce qui est d’être occupée, je suis une personne occupée. Demandez à ma mère, elle vous confirmera que j’ai tendance à rendre les choses simples compliquées. Autrement dit, même quand les choses sont calmes, elles bougent. J’ai une tendance naturelle à me tenir occupée, que ce soit pour une bonne raison ou une mauvaise. Une famille nombreuse dans une maisonnée active est une des meilleures raisons que j’ai trouvée. Ceux qui me connaissent depuis longtemps savent que je n’ai pas toujours eu un aussi bon jugement.
Les gens se demandent si j’ai de l’aide à la maison. Parfois les gens m’informent que j’ai de l’aide (“Mais vous avez de l’aide”). Les gens ont parfois de drôles de manières de poser des questions. C’est comme quand les gens veulent savoir si bébé X est le dernier (on me pose cette question depuis mon deuxième). Parfois les gens demandent :”Puis? C’est le dernier?” ; parfois les gens m’en informent: “Là, c’est le dernier!” Euh, ok?
La réponse simple est non. Je n’ai pas d’aide professionnelle à la maison. J’ai un mari hors de l’ordinaire qui fait plus que sa part à la maison. Nous démarrons sur les chapeaux de roue entre 5:00 et 6:00 du matin et nous écrasons entre 22:00 et 23:00. Nous n’avons aucun temps libre à part les moments que nous volons pour écouter nos téléséries préférées et que nous regrettons le lendemain matin (parcequ’on s’est couché trop tard). Est-ce sain? Ça dépend. Nous sommes convaincus que nous faisons la bonne chose au bon moment. Un jour, la maison sera vide et nous auront trop de temps libres. (C’est faux évidemment puisque dans 20 ans nous nous occuperons de nos parents âgés mais il faut bien avoir de l’espoir… euh, oh, salut maman…*malaise*)
Ceux qui suivent mes péripéties depuis l’été dernier savent que nous avons cherché en vain une aide familiale. Il n’y a pas une industrie d’aide-ménagère en Amérique du nord comme il peut en avoir en Europe et ailleurs. En fait, il existe un programme spécial du Ministère de l’Immigration dédié exclusivement aux aides à domicile car ce sont des emplois que les canadiens refusent de faire (ou refusent de faire pour bien longtemps). Nous avons cherché une jeune fille au pair, nous avons cherché une nanny, sans succès. Nous avons augmenté le salaire et diminué les exigences, sans succès. Les raisons que l’on nous a données étaient variées mais nous avons eu l’impression — toujours non dite mais souvent mal dissimulée — que notre famille était simplement trop nombreuse. En parlant à d’autres parents qui avaient engagés des aides familiales, nous avons réalisé que les aides familiales étaient plus souvent qu’autrement responsables de tout le travail ménager et de la garde d’enfants. Puisque la plupart des gens ont deux enfants, nous pouvions imaginer que l’idée de travailler pour une famille de 10 était simplement trop intimidante.
Bref, loin de moi l’idée de sembler héroïque dans ma décision de ne pas avoir d’aide à la maison. Lorsque nous avons réalisé, vers la fin de ma grossesse, que nous n’aurions pas de nanny, nous avons eu un moment de panique. Le défi semblait trop grand, le besoin trop pressant. Nos amis ont tous de grande familles, ou tout au moins des familles avec des jeunes enfants. Nous sommes tous dans le même bateau autrement dit : personne ne va laisser sa famille à l’heure du souper pour venir nourrir la mienne, personne ne va laisser ses enfants poireauter au dojo pour aller conduire les miens, finalement, personne ne pourra être chez moi à 6 heures du matin pour aider à habiller et nourrir les plus jeunes pendant que j’allaite les jumeaux. Nous étions convaincus que nous devrions faire face à ces défis seuls, ou pratiquement seuls.
Aujourd’hui, les bébés ont 6 semaines et nous avons survécu leur premier mois sans nanny et sans femme de ménage mais nous n’avons pas fait face à ces défis seuls ou pratiquement seuls. Bien entendu, il y a plus de travail à faire que nous ne pouvons en accomplir et peut-être que nous devrons réessayer de trouver quelqu’un lorsque le travail de Paul reprendra du collier. Cependant, l’absence d’aide professionnelle nous a forcé à dépendre des autres et à regarder vers l’extérieur alors que depuis trop longtemps nous nous refermions sur nous-mêmes. D’une certaine manière, ne pas avoir trouvé d’aide professionnelle nous a ouvert les yeux et le cœur sur la générosité d’autrui et sur la résilience des liens d’amitié et de communauté que nous avons tissé au cours des années. Une belle leçon de vie qui n’arrive jamais trop tard!